Féminité et maternité

Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais apparemment féminité et maternité seraient difficilement compatibles. Si vous avez réussi à échapper aux injonctions de la presse parentale et féminine à redevenir une fâââââmme après la naissance, une simple recherche Google vous apprendra que rester femme pendant ou après la grossesse ne va pas de soi (voir par exemple les Maternelles, Doctissimo, ainsi qu’une critique magistrale par @LaPeste ; même le corps médical s’y met). Soit. Si j’en crois la définition de la féminité par Wikipédia :

La féminité est l’ensemble des caractères morphologiques psychologiques et comportementaux propres aux femmes. Ils sont biologiquement liés au sexe et fortement influencés, voire conditionnés par l’environnement socioculturel. Ils sont exclusifs et différencient les femmes des hommes qui eux possèdent des caractères masculins

Je pense qu’à peu près tout le monde sera d’accord pour dire que la maternité, surtout dans son incarnation physique (grossesse, accouchement, allaitement), est exclusivement féminine. En clair, s’il n’y a évidemment pas besoin d’être une mère pour être une femme, il semble nécessaire d’être une femme pour être une mère. L’idée que la maternité menacerait la féminité me semble donc pour le moins capilotractée.

En fait le problème vient plutôt de la définition de la féminité qu’on nous propose. Être une femme, en clair, c’est être séduisante. Et cette séduction n’est reconnue que si elle est conforme au modèle imposé : bien habillée, bien coiffée, mince, bien maquillée, épilée de près. Je ne vois pas bien en quoi ceci serait une caractéristique strictement féminine : les hommes aussi peuvent séduire, y compris par une apparence soignée et conforme aux canons de l’époque et du lieu (même s’ils sont souvent légèrement différents de ceux des femmes). Bien sûr je ne nie pas le plaisir engendré par la séduction et les bienfaits personnels qu’on peut retirer à s’occuper de son corps et à le mettre en valeur, y étant moi-même assez attachée, mais je ne vois pas en quoi ce serait la définition de la femme, la condition sine qua non de la féminité. Au contraire, porter un enfant ou le mettre au monde me semblent des preuves éclatantes de féminité, même si encore une fois nul besoin de faire cela pour être une femme. C’est juste que je vois peu d’autres choses qui soient aussi exclusivement et universellement féminines.

Que nous dit cette définition de la féminité basée sur la séduction ? Pourquoi met-on autant la pression sur les femmes pour qu’elles se conforment à ces canons ? D’abord, cela fait vendre. Eh oui, pour attendre la perfection féminine, il faut des cosmétiques, des épilateurs, des habits… Ensuite, cela les occupe : c’est le « harem de la taille 38 » où nous nous enfermons toutes seules. Et tout cela pour qui ? Pour les hommes ? Mais les goûts des hommes sont à peu près aussi divers que les physiques féminins, sans compter que la séduction et la sexualité ne se réduisent pas à l’apparence physique. D’ailleurs, cette définition ultra-sophistiquée de la féminité séductrice pourrait bien être contre-productive pour la libido féminine. Et, surtout, il n’y a rien d’anormal ou de pathologique à ne pas vouloir mettre la priorité sur sa vie sexuelle. Chacun avance dans son couple comme il le souhaite, sans qu’il y ait une norme étroite à laquelle se conformer à tout prix.

Une femme -comme un homme d’ailleurs- peut s’investir et se réaliser dans bien d’autres choses que la parentalité ou que son apparence physique : le travail, l’engagement associatif et/ou politique, un blog, le sport, l’amitié, la fête, la maison (déco, cuisine…), le sexe, et bien d’autres encore. On peut explorer les axes qu’on souhaite, en parallèle ou séquentiellement, faire l’impasse sur d’autres… bref c’est à chacun de tracer son chemin comme les circonstances le lui permettent. Parce qu’évidemment maintenant que les femmes ne sont plus strictement cantonnées à certains chemins, la nouvelle contrainte est de leur demander d’être excellentes sur tous et en même temps.

Mais quoi qu’il en soit, nous sommes entièrement femmes quand nous sommes enceintes jusqu’au cou, victimes de remontées acides, d’une crise d’acné impromptue et d’oedème aux chevilles. Encore femmes quand à moitié nues, nous hurlons que ce p… d’anesthésiste vienne maintenant ou on se fera une auto-césarienne avec les dents, sans manquer de constater la fâcheuse tendance de certains de nos fluides corporels à s’échapper hors du contrôle de notre volonté. Toujours femmes quand l’oeil hagard et cerné nous tentons de compter les vergetures et de retrouver notre nombril égaré sur notre ventre distendu entre deux tétées. Que diable pourrions-nous être d’autre ?

Je profite de ce billet pour m’attaquer dans la foulée à « retrouver son corps après la grossesse« . Si seulement retrouver son corps voulait dire refaire connaissance avec ce corps qui change, qui évolue, pour certaines choses de façon presque imperceptible et pour d’autres bien plus radicalement, l’aimer, en prendre soin… Mais en général, retrouver son corps signifie simplement revenir sur le droit chemin : obtenir et garder un corps de jeune adolescente. Pas de gras (et surtout pas de cellulite), pas de poil, pas de ride. Facile, il suffit de 1. rester fââââmme et 2. « prendre soin de soi ». Quand je vois des femmes plutôt minces avoir une alimentation exclusivement à base d’oeuf dur, de jambon blanc et de yaourts (à 0% bien sûr), j’aimerais bien qu’on m’explique en quoi cela consiste à prendre soin de son corps (pour ceux qui ne verraient pas, voir cet avis de l’ANSES, ainsi résumé par le Monde : « Les régimes amaigrissants sont mauvais pour la santé »).

Les amies, j’ai un scoop : vous ne retrouverez JAMAIS votre corps d’avant la grossesse. Vous pouvez arriver à quelque chose qui s’en approche, mais le poids n’est que la partie visible de l’iceberg : les abdos un peu ramollis malgré la rééducation, les seins qui ont changé de forme, de taille ou de couleur, les pieds qui grandissent, quelques vergetures et capitons, même discrets, la pilosité qui change… Bien sûr on ne subit pas toutes les mêmes effets à la même intensité, mais même celles sur qui ni la maternité ni le temps ne semblent avoir de prise les subissent également.

Inutile de se voiler la face, la maternité nous change. Elle bouscule notre corps, notre psyché, nos priorités, notre vision des choses. Il est bien naïf de se convaincre que rien ne changera avec l’arrivée de l’enfant, que nous on ne deviendra pas des bonnets de nuit qui ne veulent plus sortir et ne parlent que de couches, qu’on ne sera pas comme ces mères mal coiffées qui ont une bouée de sauvetage greffée au-dessus des hanches. Bien entendu, il est salutaire de ne pas se perdre et de garder des choses pour soi, comme des activités non liées aux enfants, mais il est illusoire de penser qu’on pourra tout garder en même temps et à la même intensité. Et tout aussi illusoire de penser que nous pouvons ressembler toute notre vie à des adolescentes en papier glacé. On a mieux à faire, non ?

Pour poursuivre la réflexion, quelques lectures (cliquez aussi sur les liens dans le billet) :

(et sûrement bien d’autres, n’hésitez pas à en signaler !)

Sur ce blog (si vous avez réussi à les rater dans le corps du billet, mais je ne recule devant rien pour faire ma pub) :

Photo : Thomas Beatie, l’homme enceint. Parce que quelle que soit la thèse qu’on défend, on trouve toujours un exemple pour la contredire…

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124 Responses to “Féminité et maternité”

  1. Koa dit :

    @pétrolleuse, indépendamment du sujet, je ne comprends pas pourquoi tu me prêtes tant d’intentions, si éloignées des miennes qui plus est. Je ne vois même pas où tu vas les chercher, pour tout te dire… 😯 J’ai l’impression que ce que tu as lu de mes mots est à 10 000 lieues de ce qu’ils exprimaient.

  2. pétrolleuse dit :

    @Koa, « je pense que le problème, c’est d’amalgamer « connaissance et maîtrise », et « rééducation » (renseigne-toi, c’est beaucoup moins fun que la CMP ! » Je ne fais que te citer! Et tu n’as pas argumenté pour justifier tes dires. Ne t’étonnes pas de susciter le débat lorsque tu lances un sujet qui peut offrir matière à polémique…

  3. Koa dit :

    @pétrolleuse, ce n’est pas le débat qui m’étonne (enfin si, j’avoue, sur un post tel que celui-ci, mais passons), c’est le manque de bienveillance. Je ne poursuis pas la conversation, j’aime discuter dans la douceur, pas dans l’agressivité…

  4. @Koa, merci pour ce témoignage. Je me suis posé la question aussi de la rééducation systématique. Pour ma part c’est surtout les abdos qui auraient besoin que je prenne du temps pour eux… j’ai régulièrement le ventre qui se détend comme si j’étais enceinte de 3-4 mois 🙄
    Ceci dit je pense que notre mode de vie en général n’est pas super favorable au périnée : on se tient mal, on n’en a pas conscience, on porte mal… La kiné avec qui j’avais fais la rééduc après Pouss1 m’a dit qu’une de ses patientes, à la commande « serrez mes doigts », a serré la main de la kiné avec sa main… Mais ce type de prise de conscience devrait être faite bieeeeeen avant le post partum !

  5. @Vervaine, pour complèter ce qu’a dit pâte à crêpe, tu peux avoir soit une sonde « passive », qui te permet de visualiser ton effort façon jeu vidéo, soit une sonde active qui bosse pour toi façon sport élec.

  6. opale dit :

    @La poule pondeuse, idem ici où mon bidon se détend parfois et j’ai l’air d’être enceinte de 4 mois !!! 👿 mais c’est de ma faute car je ne fais pas assez travailler mes abdos, pas toujours facile de trouver du temps pour prendre soin de moi par le sport … entre boulot, bébé … 😥

  7. pétrolleuse dit :

    @opale, faire du sport pour « martyriser » ses abdos ou retrouver sa ligne, ce n’est pas forcément « prendre soin de soi »… 😐 Faire du sport, ce doit être avant tout un plaisir, un moment pour soi, pour se vider la tête et détendre son corps comme son esprit… Dans ce cas-là, il peut être utile d’essayer de trouver un peu de temps pour s’y consacrer… 😉

  8. opale dit :

    @pétrolleuse, je ne parle aucunement de martyriser mon corps, oui, quand je fais du sport, c’est pour en effet me vider la tête mais aussi prendre soin de mon corps en faisant travailler mes muscles avec plaisir même si je crois que c’est bon de se dépasser aussi un peu sans pour autant arriver au stade de la maltraitance avec son corps !
    De toute façon pour le moment, vraiment pas le temps mais oui, il faut essayer de le trouver ce temps ! 😉

  9. Aurélie dit :

    Encore une fois, très juste ! Merci…
    Ici, l’homme craignait beaucoup les changements de mon corps, mais je crois qu’il trouve les femmes enceintes tellement pas sexy que rien que le fait que je ne sois plus enceinte a suffit à ce qu’il me trouve (de nouveau) désirable. Comme quoi, vive la cellulite et les seins qui tombent !

  10. Martisane dit :

    @opale et à toutes, vous connaissez bien sûr 😀 le livre « Abdos, arrêtez le massacre » du Dr Bernadette de Gasquet, c’est à lire absolument pour travaillez ses abdos intelligemment et sans se faire du mal. Ma SF s’en sert pour les séances post-partum. Euh, cela dit, comme beaucoup, j’ai pas souvent mis en pratique, hum hum, et ma foi… ça se voit 😳

  11. opale dit :

    @Martisane, bah non, je ne le connais pas ce bouquin !
    Moi, j’ai jamais réussi à faire plus de 5 abdos et en fait cela me saoûle à mort.
    Je fais travailler mes abdos en nageant, courant mais je n’ai jamais fait « que » des abdos …
    Mais oui, j’imagine en effet que certaines femmes ne doivent pas faire travailler correctement leurs abdos et c’est super mauvais pour les abdos mais aussi le périnée très certainement !

  12. @Martisane, je ne l’ai pas lu mais je connais ! J’essaie de faire régulièrement des fausses inspirations thoraciques mais l’effet sur mes abdos est, euh, subtil… 😆

  13. @opale, ben moi je suis immunisée contre le sport. Je m’explique : l’été 2010 j’ai beaucoup nagé (env 1 km/jour avec palmes + bon rythme), cet été aussi (quoique moins longtemps 3 semaines de vacances vs 2 mois en 2010). Eh bien effet sur ma couenne : ZERO. Je ne nageais pas pour ça, juste parce que j’aime ça, mais quand même ! 🙄 😆

  14. @Aurélie, 😆 😆

  15. Opale dit :

    @La poule pondeuse, oui, un peu les boules c’est sûr mais en fait, il y a un vieil adage qui dit que + l’on vieillit, + c’est dur de perdre !
    Moi aussi j’ai « palmé » pas mal il y a 3 ans, j’allais à la piscine 2-3 fois par semaine (avant bébé of course car là, + le temps …), je faisais 1 h de palmes et rapidement, j’ai retrouvé de belles cuisses/fesses/ventre musclés, cela a été assez bluffant ! (j’utilisais les fameuses palmes de piscine qui galbent fesses et cuisses).
    Après, selon les individus, les résultats ne sont pas les mêmes aussi … mais pour moi, c’est aussi bon pour ma « tête » que pour mon corps quand je fais du sport, c’est sûr que c’est plus sympa d’avoir aussi un peu de résultat , de voir que ses petits bourrelets fondent un peu … 😆

  16. Ali dit :

    Je suis désolée de le dire (en fait non pas du tout) mais mon corps est quasi conforme à celui que j’avais avant mes 2 grossesses.
    Allez j’avoue : mes seins sont descendus d’un bon centimètre (ce qu’ils auraient peut-être fait d’eux même de toutes façons… gravité oblige) et j’ai une magnifique cicatrice au bas du ventre… mais c’est tout.
    Mais j’ai juste de la chance, parce que je n’ai absolument rien fait pour mériter ça.
    Mais depuis la fin de l’adolescence, j’ai la chance d’aimer mon corps. J’avoue cependant que j’ai eu droit à une petite opération de chirurgie esthétique… pas pour être parfaite non, mais pour pouvoir m’aimer vraiment.
    Et je dois dire aussi que je me sens beaucoup plus femme dans mon corps (et dans ma sexualité) depuis que j’ai été enceinte.

  17. Zulie dit :

    @Ali, Pareil ici, tu n’es donc pas la seule ! 😉 Bon, pour les seins, je ne sais pas encore puisque le crapaud n’est pas sevré mais le ventre est aussi hyper plat qu’avant, sans vergeture ni cicatrice. Mais vu la taille, les seins ne devraient pas pouvoir descendre beaucoup de toute façon ! 😆 Et je n’ai rien fait pour non plus. Je me suis même inquiétée car je perdais trop de poids. Comme quoi, la génétique joue pas mal dans ce genre de circonstances.

    Mais je compatis pour celles qui ont été moins chanceuses (sur ce critère-là en tout cas), il n’est jamais facile d’accepter les changements.

  18. Zulie dit :

    @Zulie, Mais que les jalouses se rassurent, il y a des inconvénients à nos cas (le mien en tout cas) : même après 10 mois d’allaitement, je ne peux par exemple pas me passer du tire-lait au boulot car ma poitrine ne peut décidément pas contenir une journée entière de lait. A moins de risquer une mammite. 🙄 Même chose côté nuit évidemment, je ne peux pas espérer une nuit sans être réveillée avant le sevrage…

  19. soleil- dit :

    @Zulie, à mon avis, ce n’est pas une question de taille de seins, mais juste de lactation automatique qui tarde à venir !

    Sinon, même chose ici, j’ai eu beaucoup de chance sûrement, j’aimais mon corps avant, j’ai aimé mon corps enceinte, juste après l’accouchement aussi, alors que des copines pleuraient, j’aimais ce ventre un peu plus rond, ces seins un peu plus lourds, qui m’avaient donné un bébé et le nourrissaient… Et j’ai très vite quasi retrouvé mon corps d’avant, sans lui faire violence…

  20. @Zulie, comme le dit soleil-, le problème des débordements laitiers ne vient pas d’un problème de stockage dans le sein mais bien de timing de la production (c’est-à-dire que tu synthétises encore trop souvent du lait et pas seulement à la demande de l’enfant). Le sein n’est pas comme une chasse d’eau (dépourvue de mécanisme d’arrêt) qui se remplit lentement au cours de la journée et se vide d’un coup quand bébé tète 😉 Voir ici par exemple pour quelques explications http://lelienlacte.com/wiki/physiologie-de-la-lactation

  21. @Ali, ah tu vois qu’il y a eu quelques changements, même imperceptibles 😉 (et sinon tant mieux pour toi ! 🙂 )

  22. Zulie dit :

    @soleil-, Lactation automatique ou pas, vu que je ne peux contenir que 230 ml environ, je vois mal comment le pourrais fournir 500-600 ml / jour et tenir 11h sans allaiter. Mais sachant que la moyenne des femmes a une capacité de 400 ml, ce n’est pas un problème pour la plupart, seulement pour une minorité (10 ou 15% max) dont je fais partie.

  23. Zulie dit :

    @La poule pondeuse, Oui, je sais bien comment ça marche mais non, quand les seins sont vraiment petits, ça ne peut pas marcher quand même. Il faut un minimum. Comme je le dis plus haut, cela marche bien pour la grande majorité des femmes mais pas toutes. Si on a vraiment une capacité inférieure à la moyenne, on ne peut tout simplement pas. Pour les données chiffrées, il y en a là : http://pediatrics.aappublications.org/content/117/3/e387.full

  24. @Zulie, ah OK merci pour l’article ! Pas toujours évident d’évaluer le degré de renseignement de chacun via quelques commentaires 😉