Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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I love ma cellulite

Par  • Le 10 février 2011 à 11:08 • Catégorie : Etre femme

Renoir Guerre au gras, guerre aux femmes

Malgré des progrès indéniables ces dernières années, la cause féministe a encore du chemin devant elle. Tout le monde a entendu parler des inégalités salariales, des femmes qui assument 80% des tâches ménagères ou de l’articulation difficile entre vie professionnelle et maternité, pour ne citer que quelques thèmes majeurs. Mais il en est un dont on ne parle pas souvent, et qui est pourtant insidieusement répandu dans les sociétés occidentales : c’est la guerre au gras. Attention, je ne parle pas ici de la lutte contre le surpoids et l’obésité, en tant que problèmes d’ordre médical, mais de l’obsession de la graisse chez des personnes de corpulence moyenne (présentant un indice de masse corporelle normal, pour simplifier). Cette obsession n’a non seulement aucune justification médicale, mais elle est fondamentalement injuste pour les femmes. Eh oui, les femmes sont naturellement plus grasses que les hommes, tout simplement car leurs corps ont été façonnés par l’évolution pour porter les enfants et les allaiter, activités hautement énergétiques s’il en est. Or le tissu adipeux est la façon la plus efficace de stocker de l’énergie (et paradoxalement la plus légère). Wikipedia nous apprend ainsi que chez la femme, la graisse représente 20 à 25% de la masse totale tandis que chez l’homme cette proportion varie de 15 à 20%.

Le gras nous devient particulièrement hideux lorsqu’il prend la forme de cellulite, qu’on retrouve chez près de 90% des femmes contre seulement 2% des hommes. Cette dernière phrase devrait déjà vous faire tiquer : on érige en anormalité à combattre et éradiquer par tous les moyens quelque chose qui touche près de 90% des femmes. On met en avant alimentation et exercice dans les facteurs favorisant la cellulite, mais vous n’allez pas me faire croire que 90% des femmes sont des feignasses qui se gavent de MacDo toute la journée tandis que 98% des hommes ont une hygiène de vie exemplaire. Effectivement, les chiffres sont sans appel : le surpoids touche 32% des femmes et 46% des hommes, tandis que la maigreur affecte 5% des femmes et 2% des hommes. Non, les vrais facteurs de cellulite sont la génétique et les hormones féminines. La cellulite est aussi associée au corps féminin que les seins : certaines en ont beaucoup, d’autres presque pas, mais la grande majorité en a.

Décider que la cellulite est une tare à corriger est en réalité une nouvelle façon de contrôler et de mutiler le corps des femmes. C’est exactement le même raisonnement qui a poussé certains Chinois à bander les pieds jugés trop grands ou les Padaung à étirer les cous jugés trop courts, pour ne citer que quelques pratiques emblématiques. Bien sûr, chez nous l’approche est plus subtile mais la pression est tout aussi efficace. Cherchez « cellulite » sur Google, et vous ne trouverez que des pages pour vous aider à vous en débarrasser. Même un bon tiers de la page Wikipedia y est consacré. En outre, la confusion graisse – cellulite – surpoids – obésité et l’idée reçue selon laquelle les problèmes de poids sont une simple affaire de volonté véhiculent le message suivant : la graisse est un signe de paresse et de laisser-aller.

Évidemment il y en a que ça arrange. Les enjeux financiers sont colossaux : coupe-faim, sachets protéinés, pilules et tisanes drainantes, crèmes amincissantes anti peau d’orange, soins esthétiques variés, liposuccions et j’en passe bénéficient d’un immense marché, à savoir 90% de la moitié de la population. Leur efficacité est pourtant loin d’être avérée et ils ne sont pas tous sans risque. Et les femmes, pendant ce temps, dépensent une énergie et des sommes considérables et mettent leur santé en péril pour tenter de régler un problème qui n’en est pas un (la cellulite en soi n’est absolument pas pathologique), et qu’elles ne pourront pour la plupart pas régler durablement, puisqu’elles ne risquent pas de se débarrasser de leurs gènes ni de leurs hormones.

Alors refusons ce diktat, cette guerre au corps féminin qui se cache derrière l’obsession du gras et de la cellulite. Cessons de vouloir réparer un corps qui n’est pas cassé, sortons du harem de la taille 38. Prendre soin de son corps, ce n’est pas l’affamer et le couper de ses sensations de régulation naturelle. C’est manger à sa faim et avec plaisir une alimentation variée. Ce n’est pas s’astreindre à transpirer sans envie en maximisant la dépense calorique, c’est avoir la joie de faire fonctionner un peu son corps en se vidant la tête, que ce soit par le sport, une bonne balade, danser jusqu’au bout de la nuit ou que sais-je. Ce n’est pas torturer ses chairs pour tenter de les déloger, c’est profiter d’un massage agréable. Et ce n’est pas à votre corps de s’adapter aux vêtements, c’est aux vêtements de le mettre en valeur.

Faisons la paix avec nos corps. N’ayons plus honte de nos capitons, de nos petits bourrelets. C’est difficile, et je sais de quoi je parle (étant fort bien pourvue à ce niveau-là). Nous avons été façonnées depuis notre plus jeune âge à les trouver répugnants, et la société actuelle ne fait rien pour changer cela, entre stars photoshoppées et matraquage publicitaire permanent de lutte anti-gras. Mais le changement devra d’abord passer par nous. Laissons notre gras tranquille. Cessons de nous juger les unes les autres, surtout à l’aune de nos capitons. Revendiquons le droit, la fierté même d’avoir de la graisse et de la cellulite. Et surtout faisons passer le message. Que chacune puisse au moins se poser la question de pourquoi son gras lui est si insupportable. Si vous avez un blog, si vous participez à un forum, n’hésitez pas à en parler, en utilisant cet article (que vous pouvez copier coller, en partie ou intégralement, à condition d’en indiquer la source) ou avec vos propres mots. J’aimerais bien qu’en cherchant « cellulite » avec Google on puisse trouver au moins quelques pages qui ne demandent pas de s’en débarrasser au plus vite. Vous m’aidez ?

Image : Après bain, de Pierre-Auguste Renoir

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