Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Y sommes-nous ?

Par  • Le 26 mars 2009 à 9:36 • Catégorie : J'avoue, Réfléchir

humour_gag_joke_le_chat_ecologie-520x393 Une fois n’est pas coutume, on a écrit à la Poule pondeuse. Une gentille lectrice répondant au pseudo d’Ili, outre un tas de gentillesses que la modestie m’interdit de reproduire, me demande mon avis sur un texte de Fred Vargas intitulé Nous y sommes qui circule dans le grand internet mondial. Il a été écrit pour le rassemblement Europe écologie, et vous le trouverez ici. Que nous dit Fred Vargas ? En gros, les ressources de la planète sont à bout, et nous ne pouvons plus repousser la mise en œuvre de la Troisième Révolution si nous voulons survivre. Je vous l’accorde, ce n’est pas tout à fait dans les thématiques de ce blog, mais Ili me demande : qu’est-ce qui attend nos enfants ? qu’est-ce que je fais en tant que parent pour les préparer ? Déjà la modestie dont je vous parlais plus haut est largement mise à mal si quelqu’un pense que j’ai des réponses à des questions aussi essentielles et angoissantes. Cependant, il se trouve que par mon travail, je suis assez bien placée pour avoir la chance de lire et d’écouter ce que pensent les grands esprits de notre temps sur le sujet, alors je vais essayer de vous donner quelques éléments dont je dispose.

Donc est-ce que le mode de vie occidental actuel est durable ? La réponse est clairement : non. Le changement climatique par exemple est très loin d’être une blague et si on n’atteint pas un accord digne de ce nom à Copenhague au mois de décembre j’envisage l’émigration vers Mars. Est-ce que cela signifie que nous devons nous vêtir de peaux de bêtes, nous éclairer à la bougie (ou plutôt arrêter de nous éclairer, les bougies ça chauffe et ça émet des gaz à effet de serre) et manger des racines déterrées dans le jardin (bios les racines bien sûr) ? Est-ce qu’avec la crise économique il est illusoire de penser que l’écologie peut devenir une priorité ? J’ai eu la chance d’entendre il y a peu Lord Nicholas Stern, auteur du fameux rapport éponyme, et qui n’est pas la moitié d’un con, pardonnez-moi l’expression. Pour lui, la crise est au contraire l’occasion de repenser notre économie pour atteindre nos objectifs d’émissions de gaz à effet de serre. Certes cela nécessite un investissement (comprendre un effort) maintenant, mais il reste tout à fait acceptable, surtout au vu des conséquences catastrophiques qui nous attendent autrement.

Le vrai problème de notre fonctionnement économique, c’est que nous considérons comme acquises et gratuites un certain nombre de choses qui ne le sont pas. Polluer ce n’est pas gratuit, cela affecte le fonctionnement de l’environnement duquel nous dépendons (le climat, les écosystèmes…). En effet, la nature nous fournit un certain nombre de services (dits services écologiques, environnementaux ou écosystémiques) sans lequel nous nous retrouverions fort dépourvus (quand la bise fut venue) : alimentation, régulation du climat, épuration de l’eau et des sols, etc. Certains économistes ont cru que le capital manufacturé pourrait remplacer le capital naturel, mais on sait maintenant qu’il n’en est rien (il n’y a qu’à voir l’échec de Biosphere 2 qui voulait recréer un écosystème autonome en vase clos).

Vous ne comprenez rien de ce que je vous raconte ? Voilà un exemple : tout le monde connaît l’eau de Vittel (babedibidouwouaaaaaah !). A la fin des années 80, les pratiques agricoles autour de la source ont entraîné une pollution croissante de celle-ci par nitrates et pesticides. Horreur, malheur, voilà qui n’est pas très bon pour le business. La dépollution coûte cher et elle n’est pas très bonne pour l’image de la marque (de plus à partir d’un certain taux de pollution il est interdit de potabiliser l’eau). Que fait alors Vittel ? D’une part elle rachète un certain nombre de terres pour les libérer de l’emprise agricole, et d’autre part elle mobilise l’INRA et surtout son carnet de chèques (à Vittel, pas à l’INRA) pour aider les agriculteurs à mettre en œuvre des pratiques plus respectueuses de la qualité de l’eau. Résultat des courses : reconquête de la qualité de l’eau de Vittel et pratiques d’agriculture durable dans la région. Et si une multinationale investit dans les services écologiques, ce n’est pas par philanthropie ou pour assurer un avenir radieux à nos enfants mais parce que c’est RENTABLE.

Donc à mon humble avis, le problème est que nous ne payons pas le vrai prix des choses. Certes il y a des taxes environnementales qui existent mais il faut prendre en compte l’impact d’un produit de sa création à sa dégradation (c’est le principe des analyses de cycle de vie). Quelle quantité d’eau faut-il pour le fabriquer ? Quelle quantité d’eau faut-il épurer à cause de lui ? Quelle quantité de gaz à effet de serre sont émis ? Tout cela a un prix très réel, et s’il est pris en compte les produits et pratiques à plus faible impact environnemental deviendront largement rentables. Idéologiquement cela fait grincer des dents, mais c’est finalement de mettre un prix sur ce que la nature nous offre qui peut la sauver (ou plus exactement sauver la nature plus ou moins telle que nous la connaissons, la nature de façon générale s’en sortant très bien sans l’homme). Cela n’est bien sûr pas la seule approche à mettre en oeuvre (ça n’empêche pas de protéger aussi la nature juste parce qu’on la juge inestimable) mais elle est cruciale. Si ça vous intéresse, jetez donc un oeil à la page wikipédia sur l’économie de l’environnement, ou encore à ce discours de Robert Barbault sur la biodiversité.

Et concrètement ? Personnellement je n’attends pas le Grand soir ou quelque chose du genre, ça ne marche pas comme ça. Je n’aime pas les idéologies qui tentent de faire rentrer le monde dans un cadre étroit d’où il finit tôt ou tard par déborder, et rarement sans faire de dégâts. Je suis assez déçue que les seuls partis ou mouvances politiques à avoir vraiment pris conscience du problème de l’environnement l’aient fait avec une vision d’extrême gauche qui ne me semble pas compatible avec la réalité d’un gouvernement (ce qui me pose de gros problèmes au moment de déposer mon bulletin de vote dans l’urne, même si ça ne m’empêche pas de le faire quand même). D’ailleurs à ce propos je vous conseille grandement de lire Prendre soin du monde d’Emmanuel Desjardins (pas le temps de vous en parler maintenant mais si ça vous intéresse je ferai un billet dessus plus tard). Je pense que c’est à chacun d’entre nous de prendre conscience de tout cela, pas forcément de militer mais plutôt de s’informer, de réfléchir et de peser ses décisions. Malheureusement la vague écolo fait qu’on tend à repeindre en vert tout et n’importe quoi : par exemple au supermarché l’autre jour j’avais le choix entre des poires bio suremballées venant d’Argentine ou des poires pas bio en vrac françaises. Devinez ce que j’ai choisi. Et de l’autre côté il y a aussi les démagos de tout poil qui ne reculent devant aucune approximation, exagération, propagande ou manipulation pour faire passer leur message. J’ai beau être abonnée à un panier bio-solidaro-équitable de légumes bizarres (ignames quelqu’un ?) et faire partie des gens qui souhaitent de profonds changements dans l’agriculture, la bande-annonce de Nos enfants nous accuseront (à laquelle vous n’avez pu que difficilement échapper) m’a fait hurler (voir ici pourquoi, par exemple, même si je ne souscris pas au look ravageusement sexy de l’auteur).

Mais quoi qu’il en soit, je pense que de plus en plus nous devrions nous poser la question pour tout ce que nous faisons, achetons, etc : est-ce qu’il y aurait une alternative plus écolo ? Est-ce qu’elle me conviendrait ou pas ? Voilà ce que chacun de nous peut faire, à sa petite échelle : tenter de limiter son impact environnemental pour laisser une situation un peu moins pourrie à nos enfants que celle que nous ont refilée nos parents, et leur apprendre à faire de même. Il est certain que nous ne pourrons pas vivre comme nos parents ou nos grands-parents, mais ça ne veut pas dire non plus que nous devons retourner à l’âge de pierre. Au contraire, il nous faut inventer de nouvelles technologies, de nouvelles façons de faire (même si ça peut passer par réactualiser de vieilles idées, comme la géothermie par exemple, déjà utilisée dans la Rome antique !). Il me semble que ça c’est résolument moderne.

(Image : tout le monde connaît le Chat non ?)

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