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Les caprices (2)
Par La poule pondeuse • Le 26 février 2009 à 8:56 • Catégorie : Education, Eduquer Nous avons ouvert hier le chapitre des caprices, ou devrais-je dire des colères et crises (voir la première partie ici). Nous en étions arrivés à la conclusion suivante : les bébés ont des comportements pénibles, ainsi qu’une fâcheuse tendance à produire des décibels en quantité supérieure au seuil de tolérance de l’oreille humaine adulte. Mais de quoi s’agit-il ? Expression de besoins qu’il faut satisfaire ou désirs futiles à ignorer ? Tout cela va notamment dépendre de l’âge de l’enfant, mais il est clair que ne voir que tout l’un ou tout l’autre risque d’avoir des conséquences délétères.
A sa naissance, le nouveau-né n’a que des besoins : besoins physiques (faim, froid, nettoyage…) et psychologiques (réconfort, contact…). Les bras parentaux notamment sont un besoin fondamental, tout autant que le lait. Il n’y a aucun intérêt éducatif à refuser de les satisfaire, ou à vouloir enseigner la frustration : passer d’un état de satisfaction continue (in utero) à la connaissance -même passagère- de tous ces tracas (faim, humidité…) est déjà source d’intense frustration pour le nouveau-né. Bien sûr les parents ne sont qu’humains et leurs tâtonnements involontaires mais inévitables (proposition de lait quand l’enfant avait la couche sale et vice versa, perte de patience, etc) constituent déjà une épreuve largement suffisante de frustration.
Petit à petit, le bébé commence à trouver des ressources qui vont lui permettre de patienter plus ou moins sereinement avant d’obtenir satisfaction du besoin (par exemple jouer dans son transat/tapis/parc pendant que le parent prend sa douche). Cela lui sera d’autant plus facile qu’il aura été préalablement rassuré sur la bonne volonté de ses parents (ou de la personne qui s’en occupe). Et puis arrivent des envies, des désirs, qui ne relèvent pas forcément d’un besoin fondamental : attraper un objet, aller à un endroit auparavant inaccessible, etc. La distinction est d’autant plus subtile que pouvoir satisfaire un certain nombre de ces désirs est un besoin fondamental ainsi qu’un puissant moteur de développement, même si ça ne justifie pas pour autant l’accession à tous et à chacun d’entre eux. En parallèle vont donc arriver des pleurs et des colères que certains qualifieront de caprices.
Et puis vers 18 mois-2 ans arrive ce que nos amis anglo-saxons (encore eux) appellent le « Terrible Two » (les mauvaises langues disent que c’est parce qu’il dure deux ans… AAAARGGGGGGGL !), dont vous trouverez une description assez fidèle chez Papa Oméga (Comment réussir son Terrible Two : guide à l’usage des enfants de deux ans), ou encore chez Camilla Gallapia (18 mois est un âge formidable). En gros, le petit ange devient un petit démon qui n’a plus qu’un seul mot à la bouche : NON ! Et tant qu’il ne parle pas ou peu, la frustration monte d’autant plus vite que les parents offrent une réponse inadéquate puisqu’ils ne comprennent pas bien la demande, ni ne peuvent facilement négocier une solution qui convienne à tout le monde, Gordon-style. Si on en croit le site du magazine Famili, la période 18 mois-2 ans cumule l’âge du non et les grandes colères, pour enchaîner dans la foulée avec la déclaration d’indépendance, les manifestations oedipiennes et même la crise d’ado avant l’heure. Si en prime c’est le moment où la famille s’agrandit, le cocktail est facilement explosif.
Alors pourquoi tant de haine ? D’abord souvenons-nous que les enfants sont juste humains, et qu’en plus étant immatures ils ont moins de capacités d’autorégulation que nous. Rappelez-vous la dernière fois que vous avez eu envie de balancer quelque chose/quelqu’un contre un mur. La dernière fois que vous avez crié ou été franchement désagréable et dont vous avez un peu honte ? La dernière fois que vous avez été déçu ? Non seulement un enfant ressent la même chose que vous, mais il est encore en train d’acquérir la capacité de relativiser en conciliant plusieurs émotions en même temps et en anticipant sur l’avenir. Et nous n’avons pas la même échelle de valeur : un énième tour de manège nous paraît dérisoire, et le fameux vase Ming (qui a encore des vases Ming de nos jours ??) ne vaut pas plus pour lui qu’un bol en pyrex. Donc on ne s’énerve pas sur les mêmes choses (même si au final on finit par s’énerver en choeur…). Ensuite les tout petits, qui abordent à peine le langage, n’ont pas beaucoup de façons de se faire entendre et comprendre. C’est leur façon -certes très pénible- de nous faire savoir que quelque chose ne va pas ou simplement d’attirer notre attention. C’est d’ailleurs pour ça que ces manifestations visent généralement surtout les parents, et beaucoup plus rarement d’autres personnes de l’entourage (nounou, puéricultrices, grands-parents…). De la même façon, cela peut aussi être leur façon d’exprimer un malaise que l’adulte ne s’autorise pas à extérioriser. Il y a aussi des frustrations propres à ce stade de développement psycho-moteur : l’enfant s’individualise et doit renoncer à sa « toute puissance ». Et puis n’oublions pas les circonstances aggravantes : fatigue, faim, petits et grands changements et bien d’autres encore.
En tout cas aussi énervant que cela puisse être, c’est tout à fait normal et ça ne fait pas de vous des parents mauvais ou incompétents.
Pour finir la trilogie, quelques idées plus concrètes vous attendent ici. Et en attendant, quelques lectures : Les caprices côté enfant et pour les anglophones After attachment… What then?