Un poussin différent

Le ciel m’est tombé sur la tête

Voilà, un jour l’inconcevable est arrivé… Vous qui aviez de grandes idées sur l’égalité, sur la différence, sur l’intégration, c’est à vous qu’aujourd’hui cette différence revient.

Un diagnostic vient d’être posé, des suspicions viennent d’être avancées… rien ne sera plus jamais comme avant. Votre enfant est, sera et restera différent.

Handicap, infirmité, maladie génétique, retard de développement psychomoteur, non ce n’est pas pour moi… On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres et pourtant selon l’OMS, 5 à 10% des enfants seraient porteurs d’une déficience exigeant une prise en charge éducative spécialisée et des soins adaptés.

L’annonce de cette différence est souvent brutale et vécue par les parents comme un traumatisme. Il n’est pas rare que bien des années après, ils soient capables de réciter les mots prononcés par le médecin porteur de la mauvaise nouvelle. Annonce anté ou post natale, maladie génétique ou IMC due à une naissance difficile, rien n’est acceptable lorsque l’on est parent et que l’on a rêvé d’un enfant parfait.

La suite c’est la douleur, le cauchemar, l’angoisse puis peu à peu la résignation, l’acceptation puis viennent les petits et grands bonheurs au gré des progrès de votre enfant.

La plupart des parents font l’autruche les premiers mois, les premières années. Ce léger retard va forcément être rattrapé. La scolarisation, une nouvelle consultation médicale, une réflexion et tout bascule… Vous devenez parent différent.

A quoi reconnaît-on que l’on est un parent différent ?

J’ai complété la liste faite ici par la maman de Ti-soleil

  • on a un agenda de ministre mais rempli de rdv à l’hôpital, au centre de rééducation, chez l’orthopédiste…
  • et au lieu de prendre rdv avec une copine pour un café nous cherchons à caser le xième rdv de rééducation de notre petit
  • on voit les jouets comme des moyens thérapeutiques
  • après avoir lu l’histoire du soir on n’oublie jamais de mettre à son enfant ses accessoires orthopédiques pour la nuit
  • les vêtements de l’année précédente lui vont toujours
  • on ne connaît pas la pointure de son enfant, ses chaussures sont offertes par la Sécu
  • on téléphone à tous ses amis lorsque notre enfant s’assoit à 2 ans ou marche à 6
  • on est ému aux larmes quand on voit un autre enfant venir lui prendre la main
  • tous les enfants et parents de l’école vous connaissent et vous ne faites pourtant pas partie de l’association des parents d’élèves
  • on connaît les mots diplégie spastique, dyspraxie, leucomalacie, syndrome de…
  • on est au courant des moindres avancées médicales dans le domaine
  • on n’a pas de bannière quand on va sur les forums spécialisés car ce serait trop long d’énumérer tous les progrès
  • puisque chaque jour est un nouveau progrès

Pourquoi moi ?

Un sentiment de culpabilité est fréquemment ressenti par les parents d’enfants handicapés. Une anomalie génétique, une naissance difficile, tout est prétexte à se sentir responsable de ce qui arrive à notre enfant. Cet extrait de Forever (1996) d’Erma Bombeck est souvent cité dans les blogs ou dans les forums des parents différents; une façon de ne pas oublier que la vie est une grande loterie. La maman d’Agathe et Hélène se souviendra sûrement toute sa vie des mots du généticien « Vous auriez eu plus de chance de gagner au loto… »

Vous êtes vous déjà demandé comment ces mères sont choisies? Quelques fois j’imagine Dieu planant au-dessus de la terre, choisissant ses instruments de propagation de l’espèce avec le plus grand soin et la plus grande réflexion.

Comme Il observait, Il ordonnait à ses Anges de prendre note dans un grand livre.

Le Seigneur: André, fils de Ann, Saint Patron : Mathieu. Mélanie, Fille de Marjorie, Sainte Patronne : Cecilia. Carine, fille de Nicole, Saint Patron : Gérard,…

Finalement, Il communique un nom à l’Ange et sourit.

Le Seigneur: Donne-lui un enfant handicapé.

L’ange: Pourquoi celle-ci, Seigneur? Elle est tellement joyeuse.

Le Seigneur: Justement. Pourrais-je donner un enfant handicapé à une mère qui ne connait pas le rire? Ce serait trop cruel.

L’ange: Mais a-t-elle de la patience?

Le seigneur: Je ne veux pas qu’elle en ait trop parce qu’elle s’enfoncerait dans une mer de pitié et de désespoir. Quand le choc et le ressentiment passeront, elle le supportera très bien. Je l’ai observée aujourd’hui. Elle a ce sens du moi et d’indépendance si rare, mais nécessaire pour une mère. Tu vois, cet enfant que je vais lui donner a son propre monde. Il faut qu’elle le fasse vivre dans son monde à elle, et ça ne sera pas facile

L’ange: Mais Seigneur, je ne pense même pas qu’elle croit en vous.

Le seigneur sourit

Le Seigneur: Peu importe, je peux m’en arranger. Celle-ci est parfaite. Elle a juste assez d’égoïsme.

L’ange reste bouche bée.

L’ange: D’égoïsme ! Est-ce là une vertu??

Le Seigneur: Si elle n’arrive pas à se séparer de temps en temps de l’enfant, elle ne survivra jamais. Oui, voici une femme à qui j’octroierai un enfant rien moins que parfait. Elle ne s’en rend pas encore compte, mais elle est enviable. Elle ne prendra jamais pour argent comptant ce qu’on lui dira, et ne considérera jamais un progrès comme ordinaire. Quand son enfant dira « maman » pour la première fois, elle aura assisté à un miracle et elle le saura. Quand elle décrira un arbre ou un coucher de soleil à son enfant aveugle, elle le verra comme bien peu de gens voient jamais mes créations. Je lui permettrai de voir clairement les choses que je vois : ignorance, cruauté, préjugés, et je lui permettrai de s’élever au-dessus. Elle ne sera jamais seule, je serai à ses côtés chaque minute de chaque jour de sa vie, parce qu’elle réalise mon oeuvre aussi sûrement qu’elle se trouve ici à mon côté.

L’ange: Mais, Seigneur, qui sera son saint patron ?

Le seigneur sourit.

Le Seigneur: Un miroir suffira…

A toutes les mamans d’enfants extraordinaires…

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13 Responses to “Un poussin différent”

  1. Riane dit :

    Je me reconnais dans la liste : mon agenda de ministre, mes rdv chez l’orthophoniste, ORL, mon émotion quand je vois les garçons s’occuper de ma puce, ma tendance à raconter les progrès « miraculeux » à toutes mes copines.
    Je consulte le site web de Fnac Eveil et Jeux ….

    Merci pour la jolie fable.

  2. Blandine dit :

    @ Riane: et c’est merveilleux quand les copines s’extasient avec toi de ces progrès « miraculeux » ! N’oublions pas de leur rendre hommage car sans elles tout serait sûrement plus compliqué…

  3. anne dit :

    je suis un peu « sans voix ». je ne veux pas dire de banalité sur ce sujet. cependant, je connais plusieurs enfants extraordinaires, et les connaitre, vivre avec eux m’enrichit énormément. Leurs parents font toujours mon admiration.

  4. Blandine dit :

    @ Anne: Merci Anne pour ton témoignage, il n’y a jamais de banalité à dire sur le handicap. Ces enfants différents nous font réfléchir et regarder la vie différemment. Quant aux parents différents ils sont avant tout des parents avec tous les défauts possibles… 🙂

  5. anne dit :

    oui, mais un peu parents extraordinaires aussi tout de même du coup. J’insiste !

  6. Mathilde dit :

    Oui, je suis d’accord avec Anne. Il faut quand même beaucoup de courage pour faire face à une société où on vise toujours + haut + fort + beau pour les enfants, où le regard des gens est pesant, où les comparaisons vont bon-train, où beaucoup de démarches sont complexes et où les structures et les aides financières ne sont pas toujours évidentes à trouver, car trop rares….

    Il faut quand même dire que certains parents ne trouvent parfois pas la force de faire face à un enfant porteur de handicap et n’ont pas de complexes à laisser l’autre parent seul avec l’enfant….
    Sans juger, je veux juste dire que oui, ces parents sont quand même extras !

    En tous cas, il ne faut pas vivre avec des certitudes et les imposer aux autres…La différence c’est ce qui nous enrichit tous les jours, c’est la vie !
    🙂

  7. Blandine dit :

    Même dans la « société des enfants différents » il y a des comparaisons et surtout de grosses inégalités. Tous les parents n’ont pas le même accès aux informations et certains se sentent très démunis devant la montagne administrative.
    Là où j’habite (à la Réunion, je peux le dire!) le problème est renforcé par une non maîtrise de la langue française. Par contre c’est une société qui accepte plus volontiers la différence.
    Je crois que malheureusement la société actuelle ne supporte plus ces différences.

  8. charlottine dit :

    Bonjour à toutes , je sous-marine depuis plusieurs jours déjà et je profite de ce sujet qui m’est familié pour poster… Je suis « grande soeur » d’un enfant malade, mon frère est atteint de mucoviscidose… j’a donc du grandir vite, trs vite pour que mes parents puissent s’occuper de mon frère… pas facile tout les jours! petite anecdote sur la révélation de la maladie, quand le doc’ l’a annoncé à ma mère il lui a dt « ous devriez envisager de faire un bébé remplaçant!!! » ces mots lui sont toujours restés gravé… comment remplacer un enfant? ça ne se remplace pas …

  9. Lola dit :

    Le conte à la fin m’a fait venir les larmes aux yeux…
    Que c’est beau !

  10. @charlottine, le doc !! 👿 😯

  11. @Lola, oui c’est une belle façon de voir les choses 😉

  12. Side effects of xanax….

    Xanax 180 pills….

  13. G. dit :

    Ce texte, l’échange entre l’Ange et le Seigneur, est magnifique, merci…